L’abattage de vieux arbres suscite souvent chez l’homme de fortes émotions, et attire l’attention sur un aspect plus caché de cette plante ligneuse. Les arbres réussissent à devenir les êtres vivants les plus grands et les plus vieux de la Terre. Le face-à-face avec un géant centenaire éveille un écho du cours de notre vie personnelle.

Nous connaissons les paysages sans arbres du Grand Nord ou de l’étage alpin en montagne, qui nous semblent presque infinis. Dans les forêts tropicales humides par contre, c’est l’ensemble du paysage qui devient arbre, espace intérieur formé par les houppiers. Même les rares plantes herbacées – et les animaux –  vont s’installer tout en haut, dans les « sols suspendus » de la canopée omniprésente.

Dans le paysage traditionnel de l’Europe moyenne, les forêts mixtes alternent rythmiquement avec prés, champs et villages. La lisière des forêts et les haies qui bordent les champs, avec leurs buissons et arbustes variés, sont des espaces de transition équilibrés, portant de nombreuses espèces, où il est agréable de s’arrêter – à la différence de la toundra ou de la forêt tropicale.

Dans la forêt, en tant qu’être humain, on se sent enveloppé et protégé, d’une certaine manière accueilli et bercé par une voûte verte et vivante reposant sur d’innombrables colonnes. Les contemporains stressés que nous sommes devenus recherchent à nouveau cette expérience du « bain de forêt », consciemment, pour retrouver un équilibre. Mais une fois dans la forêt, resurgit bientôt le besoin de retrouver un grand espace, de jouir d’une vue dégagée et de pouvoir embrasser du regard tout le paysage. Ces deux expériences intérieures contraires nous donnent une idée de la complexion d’âme de ceux qui passent toute leur vie dans la forêt tropicale ou qui demeurent dans la toundra.

Les arbres créent des espaces. Ceux-ci sont de dimensions modestes comparés à ceux des vallées et des sommets des montagnes, qui structurent le paysage général.

Auprès d’arbres isolés, nous pouvons faire cette expérience : l’espace créé présente, selon les essences, une architecture d’une qualité tout à fait caractéristique. Grimpons dans un bouleau, un pin ou un chêne et essayons de mettre en paroles les expériences très différenciées que nous faisons alors. Ou bien plaçons-nous en été sous leur feuillage quand approche une averse, qu’un vent soudain agite feuilles et branches et qu’une pluie battante se met à tomber…

La création d’espace n’est pas le « propos » de la fleur ; cela reste réservé aux arbres. D’où leur vient donc cette faculté, comment peut-on la comprendre au sein du monde végétal ?

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