Une courte réflexion sur la guerre, hier et aujourd’hui.

La guerre

Jadis, l’intérêt pour les autres pays, pour les autres mœurs, pour les autres hommes se traduisait souvent par la guerre. L’intérêt pour l’Autre s’exprimait par une conquête qui pouvait l’ennoblir. Les dieux pouvaient ainsi désigner leur favori. Après un combat d’homme à homme, ces guerres menaient à une paix d’égal à égal. Des siècles durant, la guerre a pu être quelque chose de bon, mais elle devint obsolète au XXe siècle. Elle a perdu son visage. Elle a perdu l’Autre de vue. La guerre a conquis les airs et les fonds marins. Elle est devenue verticale. Elle a enterré son horizon ainsi que l’intérêt pour l’Autre. L’Autre ne devait plus être conquis, mais détruit. La guerre devint mauvaise.

Image : Clarissa Mendes

Le capital

Aujourd’hui, les guerres ne sont plus menées ouvertement, mais dissimulées. Il ne devrait plus y avoir de guerres − et c’est pour cela qu’on les appelle autrement. Mais que se passerait-il si nous ne renoncions ni à la guerre, ni à l’intérêt pour l’Autre? Si nous prenions conscience de ce qui était autrefois naturel: que l’Autre est le seul capital d’avenir, qu’en le détruisant nous détruisons en fait un capital?

La paix

Pour mener une guerre qui soit à la hauteur de notre époque, il ne faut pas combattre en secret contre les Autres: il faut combattre ouvertement contre soi-même. En prenant sur soi le combat des idées, on crée la paix avec les Autres. Et Joseph Beuys de dire: «Lorsqu’on déplace la guerre et le combat au niveau de la conscience, et que l’on évite ainsi les guerres extérieures, alors on a atteint un état positif de paix. La guerre des idées avec soi-même, voilà la paix désirable.»


Paru initialement en allemand dans Das Goetheanum, n° 27, 30 Juin 2017

Traduction : Jonas Lismont et Louis Defèche