L’amour rend aveugle, dit un vieux proverbe. Qu’est-ce que cela signifie ? Tombe-t-on amoureux d’une illusion d’autrui, d’un phantasme ? Qu’arriverait-il si l’homme s’avérait capable de percevoir dès le début d’une relation toute la complexité de la personnalité de son partenaire ? Vraisemblablement, de nombreuses relations ne naîtraient même pas. Dans la passion amoureuse, nous rencontrons cette partie de notre partenaire qu’il ne peut pas encore être mais qu’il aimerait être. La passion amoureuse, c’est-à-dire cette puissante attirance réciproque de deux êtres, leur permet de s’élever au-dessus d’eux-mêmes, de se révéler à l’autre sous leur meilleur jour. Une critique ultérieure affirme parfois que l’autre s’est paré de « fausses plumes ». Mais il est également possible que nous ayons vu en l’autre quelque chose de son archétype. Cette étoile nous a attirés et nous nous en souvenons constamment et positivement au cours de notre relation. Nous pouvons rester fidèles à cet archétype, même si nous le percevons à présent « comme il est vraiment » ou « comme il est aussi ».

Sous le signe du changement

Actuellement, de nombreuses relations ne dépassent pas le stade de la passion amoureuse. On confond l’amour et la passion amoureuse. Les partenaires s’adonnent à l’« illusion du couple heureux », remède universel à toutes les solitudes et à toutes les questions qui montent des profondeurs de notre personnalité. On pense qu’un couple heureux ne connaît ni dispute ni souffrance, n’a toujours qu’une seule opinion et dispose d’une sexualité qui fonctionne et satisfait les deux partis ! Pourtant, au XXIe siècle, le couple s’est placé sous le signe du changement. Au cours des dernières 50 années, tandis que s’intensifiait le développement de la conscience individualisée (« âme de conscience »), l’image de l’homme et de la femme subissait une transformation radicale, conférant au couple et à la famille, portés jusque là par les traditions, une nouvelle signification. Le partenariat est devenu aujourd’hui la rencontre de pures individualités, de plus en plus indépendantes, même de leur statut sexuel. Une nouvelle répartition des rôles est née, contenant plus d’intimité et d’amour, et trouvant son origine au siècle dernier dans la génération révolutionnaire de 1968.

Clarissa Mendes, De la disparition, São Paulo, 2014

On peut aujourd’hui en percevoir les fruits dans la plus grande autonomie des femmes ainsi que dans l’« émancipation des hommes » et leur désarroi. L’ancienne répartition des rôles a disparu. Nous nous trouvons humainement au sommet de nos possibilités, lesquelles se sont frayé un chemin, par un développement de la conscience et par des combats libertaires, vers une individualisation toujours plus grande. Dans le meilleur des cas, tout est possible pour tout le monde. Les analystes de cohortes Spangenberg et Lampert appellent les générations nées après 1985 des «générations sans limites».1

Cependant, l’individualisation croissante n’a pas été gagnée sans pertes. Les êtres humains ont atteint un point zéro qu’ils doivent pénétrer de leur moi. Une relation suppose des défis toujours plus importants et les possibilités de les contourner sont nombreuses ! En particulier, les méthodes modernes de communication favorisent – paradoxalement ! – l’isolement. Nous nous adonnons constamment à l’illusion d’être en lien réciproque, en proximité, sans remarquer l’absence totale de parole ! « Si proche et pourtant si loin ». Ces mots expriment la situation de bien des couples, profondément isolés dans une vie à deux. Il n’y a plus de nid douillet où les partenaires n’ont plus qu’à s’installer. À sa place, on trouve une invitation à « travailler sur soi », à « développer des facultés sociales », à effectuer un grand écart entre individualité et communauté.

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