L'étude a été commandée par la Fédération des libres écoles Waldorf à l’occasion du 100e anniversaire des écoles Steiner-Waldorf. Des parents de toutes sortes d’écoles ont été interrogés.


Heiner Barz, les parents donnent clairement la priorité au développement individuel et créatif de leurs enfants et à une éducation humaniste variée plutôt qu’aux tests, aux examens de performance et à la préparation d’entrée dans le marché du travail. Est-ce que cela indique un changement de paradigme dans ce que les parents attendent de l’école ?

Je crois que les parents commencent depuis peu à attacher de l’importance à ce que leurs enfants disposent des outils nécessaires à la vie. Il va de soi que cela inclut avant tout des aptitudes non techniques telles que la motivation, l’endurance, la confiance en soi, le sens des proportions et la capacité à travailler en équipe. Ces capacités s’apprennent de manière particulièrement durable dans le cadre de projets artistiques, par exemple par le biais de la danse ou de pièces de théâtre. Cependant, en raison de l’intensification significative des examens et des tests à l’école, de nombreux parents ont maintenant l’impression que les aspects du renforcement durable de la personnalité ont été relégués au second plan, au profit d’un apprentissage boulimique à court terme.

Un autre constat semble confirmer cette tendance : les parents exigent avant tout que leurs enfants soient encouragés à développer et affirmer leur personnalité. Les compétences pratiques, artistiques et musicales en particulier peuvent-elles permettre d’atteindre cet objectif ?

Les études sur l’éducation montrent sans cesse que les élèves qui ont parfois des difficultés dans des matières intellectuellement difficiles peuvent très bien s’épanouir dans des contextes de projet où l’artisanat, la musique, les arts visuels ou le théâtre sont davantage au premier plan. Car ici, on n’attend et on n’encourage pas seulement des compétences cognitives isolées.

« La qualité des écoles devrait être améliorée grâce à une plus grande concurrence pédagogique entre les écoles. » Ces possibilités de concurrence – pourtant garanties par la Loi fondamentale allemande – n’existent-elles pas déjà aujourd’hui ?

La concurrence entre les différents concepts pédagogiques – certainement. Mais cette concurrence est aujourd’hui faussée par le fait que les écoles privées ne disposent que d’environ deux tiers des ressources financières disponibles par rapport aux écoles publiques – et le tiers restant doit être obtenu grâce à une gestion efficace, grâce aux sacrifices personnels des enseignants et grâce aux frais de scolarité payés par les parents. Nous avons également observé ces dernières années une pratique assez restrictive en matière d’octroi de licences en ce qui concerne les concepts novateurs d’écoles indépendantes.

« Les écoles devraient s’orienter davantage sur les besoins des élèves plutôt que sur les prescriptions des administrations. » Cette demande des parents ne débouche-t-elle pas sur un bradage du mandat éducatif de l’école, sur des contenus et des programmes éducatifs arbitraires ?

Cela dépend probablement de ce que l’on entend par « besoins des élèves ». Si cela signifie manger des pains au chocolat ou des hamburgers au Nutella 24 heures sur 24 et dépenser de l’argent sur le téléphone portable, dans ce cas… Nous devons plutôt partir d’un concept anthropologique et psychologique de l’intérêt et du besoin. Par exemple, il faut aussi tenir compte des sensibilités et des capacités cognitives propres à l’âge, comme le font, chacun à leur manière, les grands concepts de réforme pédagogique de Maria Montessori et de Rudolf Steiner. L’éducation Waldorf, par exemple, a sur ce point des idées et des orientations assez précises quant à ce qui doit être traité dans les cours et à quel âge.

Il est surprenant que les parents des écoles publiques souhaitent aussi l’égalité financière des formes d’enseignement. Pourquoi et quelles seraient les conséquences d’une telle égalité ?

Il y aurait alors une réelle liberté de choix en ce qui concerne le modèle scolaire, car les aspects financiers ne joueraient plus aucun rôle dans l’examen du programme scolaire qui pourrait convenir le mieux à l’enfant.

Apparemment, la mise en œuvre de la Convention des Nations unies laisse encore beaucoup à désirer. Par exemple, la mise en place d’un enseignement commun pour les élèves, avec et sans besoins spéciaux, ne démarre que lentement. Cela est-il éventuellement dû aux coûts additionnels nécessaires ?

On peut le voir comme ça. Après tout, les postes supplémentaires nécessaires pour les aides à l’insertion, les accompagnateurs scolaires et les enseignants spécialisés, ainsi que l’importante préparation des enseignants par une formation continue appropriée, ne sont bien sûr pas sans coûts.

Les parents semblent également contredire le courant politique dominant en ce qui concerne le numérique : plus de 80 % souhaitent une école primaire sans ordinateur et l’interdiction des téléphones portables à l’école. Comment de telles divergences d’appréciation se produisent-elles ?

Aujourd’hui, le smartphone est devenu un compagnon presque irremplaçable dans presque tous les contextes de la vie. L’interdire complètement dans les contextes éducatifs est donc un tour de force qui a aussi de nombreux opposants. Parmi eux, on trouve non seulement de nombreux « digital natives » et le lobby des technologies de l’information, mais aussi certains éducateurs spécialisés dans les médias, qui affirment qu’une approche consciente devrait être enseignée à l’école et que des informations sur les risques devraient être transmises dès le début. D’autre part, de nombreux parents, enseignants et éducateurs connaissent le téléphone portable comme une source de distraction et de perturbation. C’est pourquoi 85 % des parents interrogés dans le cadre de l’étude actuelle espèrent qu’une interdiction des téléphones portables sur le modèle français permettra de concentrer les cours. Et peut-être même un certain apaisement sur le front de la guerre familiale des écrans, car on pourrait alors s’armer d’une argumentation pour ainsi dire scolairement authentifiée, dans le débat quotidien avec les enfants sur le temps accordé devant les écrans.

Quelles sont les conséquences de cette étude pour la politique allemande en matière d’éducation ?

Pour rester réaliste, je crains qu’il n’y en ait aucune. Du moins, pas directement et pas concrètement. Mais pour l’argumentation des associations et des formations politiques en matière de politique éducative, elles qui ont une certaine sympathie pour les écoles à financement privé, la voix des parents en Allemagne fournit une base solide et empiriquement fondée.


Un entretien mené par Mathias Maurer.

Initialement paru dans Erziehungskunst, décembre 2019.

Dessins : Astrid, 2020.