Difficile de trouver les mots pour exprimer son ressenti. Difficile de parler. L'événement est traumatique. Il concerne un pays et se prolonge au-delà d'Israël et ébranle le monde entier. Une rencontre paralysante avec la mort et le mal. En marge, ou ancrés en lui, d'incroyables récits de courage et de sacrifice. Il est trop tôt pour aborder de front les contextes culturels et historiques du conflit. Je me concentrerai sur le sentiment intérieur que nous pouvons ou devons développer actuellement. Il me semble toutefois important de mettre les choses en perspective, sans entrer d'emblée dans les détails. 

La situation générale de ces dernières années en Israël, et dans une certaine mesure dans le monde entier, est une situation de crise. Nous passons d’une crise à l’autre. On peut dire que nous traversons depuis plusieurs années, avec quelques interruptions, une crise permanente. Nous avons vécu la crise sanitaire de la COVID-19, qui nous a tous affectés, nous nous sommes ensuite enfoncés dans un épisode de révolution juridique et nous atteignons aujourd'hui une certaine apogée.

S'éveiller à soi-même

Notre époque est sur le seuil. Cela signifie qu’elle vit désormais, dans son ensemble, ce que l'individu traverse seul sur le parcours initiatique ésotérique. Nous vivons un changement global de conscience et d'existence. Il s’agit d’une période « apocalyptique ». En grec,  « apocalypse » signifie « dévoilement ». Par ce passage de seuil, ce phénomène de dévoilement, les structures routinières qui nous portaient instinctivement pendant des centaines et des milliers d'années grâce aux forces de la culture et de la tradition commencent à s'effondrer. Le sol tremble sous nos pieds, le rideau se lève. La réalité cachée se manifeste dans son essence, avec ce qu'il y a de plus élevé, mais aussi de plus bas. Nous pouvons réellement faire pleinement l'expérience de ce que nous sommes en tant qu'être humain, en tant que moi, à des niveaux tout à fait inconnus. Nous sommes obligés de rencontrer les aspects non résolus de nous-mêmes. Dans le langage anthroposophique, il s'agit de la rencontre avec le Grand et le Petit Gardien du Seuil. C'est là que réside la tension fondamentale de notre époque : percevoir simultanément ce qu'il y a de plus élevé et de plus bas dans notre propre être et dans le monde.

Que ce soit dans la vie personnelle, la vie d'un peuple, d'un pays ou de l'humanité entière, une crise est une rupture. Les piliers du passé s’effondrent. Nous savons qu'en ce sens, les crises sont aussi des occasions de progresser intérieurement, d'évoluer. Tant que les piliers du passé nous soutiennent (habitudes, schémas de pensée et de comportement, langage, etc.), ils nous enchaînent également. Cela signifie que notre être profond exige la crise afin de pouvoir franchir une nouvelle étape de développement. Les anciennes formes doivent être brisées pour qu'une nouvelle vie puisse naître.

Il faut compléter cette image : quand une personne suit un chemin intérieur conscient, elle ne doit pas attendre les crises pour franchir des étapes d'évolution. D'une certaine manière, le chemin intérieur conscient est une sorte de voyage, une crise que l'on initie soi-même. J'initie constamment une crise en m'observant sincèrement, en me confrontant à mes limites et à mes faiblesses. Grâce à la crise ainsi déclenchée, je peux renaître au monde à un niveau existentiel supérieur. Deux possibilités s'offrent à nous pour surmonter en nous-mêmes les structures du passé : accepter de se dépouiller des formes anciennes en traversant un processus de transformation, en suivant un chemin intérieur conscient, ou, si nous n'y parvenons pas, recevoir de l'aide « de l'extérieur » sous la forme d'une crise. C'est parfois très douloureux. La crise au sens spirituel, au sens intérieur, est un appel à l'éveil.

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