green man homme vert robin des bois anthroposophie écologie extinction rébellion

Qu’est devenu Robin des Bois ?

La légende de Robin des Bois est sans doute la plus puissante de toutes les légendes anglaises après celle du Roi Arthur. Chef reconnu d’une bande de « gais lurons », le célèbre archer se place à l’extérieur de la loi et déjoue sa tendance à l’immobilité. Il est l’archétype du pourfendeur déterminé à réaliser son but, indispensable lorsqu’il y a excès de droit et d’ordre. Pour cette raison, la figure symbolique qu’il représente est d’une importance vitale en ces temps où la forme et le mensonge menacent d’écraser la liberté.


C’est pendant mon enfance en Angleterre que je découvris la figure romantique de Robin des Bois. Quel merveilleux personnage ! Il vit dans les forêts avec une « bande de gais lurons » – tout aussi charmants et hauts en couleurs. Il s’entend dans les choses qu’aiment faire tous les enfants : se cacher derrière les arbres, courir dans la forêt et à ses moments perdus, se livrer à des exercices de tir – quelle vie ! Je sentis immédiatement la force d’attraction qu’il exerçait sur tous les enfants. Ensemble, nous jouions à Robin des Bois dans nos jardins, dans nos chambres, dans les parcs et dans la nature. Mais il y avait un petit problème et comme j’avais six ans, je ne pouvais tout bonnement pas m’en rendre compte.

Voyez-vous, Robin des Bois était un hors-la-loi. Et il avait des adversaires : le roi et le shérif de Nottingham. Qui est donc ici le gredin ? Le roi ? Le shérif ? Certainement pas ! Le roi et le shérif représentent pour l’enfant le bien, le droit et l’ordre, la forme – toute la sécurité dont celui-ci a besoin. À six ans, je ne pouvais pas comprendre cela. Peut-être les choses s’éclaircirent-elles plus tard dans mon âme d’enfant, lorsque j’atteignis l’âge de neuf ans, alors que je cessai de voir les choses uniquement en noir et blanc… Robin des Bois a apporté une part majeure à la sagesse populaire anglaise. Elle remonte au 14e siècle et sa popularité s’est répandue au 15e siècle. Robin a deux qualités principales : il soutient le roi Richard Cœur-de-Lion, légitime mais absent, dont le frère assoiffé de pouvoir a usurpé le trône. C’est un thème mythologique récurrent qui trouve des échos dans le christianisme sous-jacent. Ensuite, Robin est un archer d’élite. Tous ceux qui se sont entraînés au tir à l’arc sauront ce que signifie trouver son but et apprendre à s’y lier. Robin est un être qui s’est lié de façon magistrale aux buts qu’il s’était assignés pour la vie.

Il est improbable que la légende se rapporte à un personnage historique ; elle met plutôt en scène un type : celui de l’« infracteur de la loi » ou du hors-la-loi. Qu’est-ce qu’un hors-la-loi ? C’est quelqu’un qui se place littéralement à l’extérieur de la loi et déjoue la tendance de cette dernière à l’immobilité. Telle est sans doute la signification de la légende originelle. Robin des Bois est l’archétype du pourfendeur, indispensable lorsqu’il y a excès de droit et d’ordre. Lorsqu’il y a excès de forme et menace d’étouffement de la liberté. Lorsqu’il y a mésusage de la loi. Lorsque l’ordre ne laisse plus aucune place à l’initiative personnelle et individuelle – alors apparaît l’impulsion de Robin des Bois.

revue aether æther méditation épistémologie anthroposophie médecine anthroposophique biodynamie école steiner waldorf

Il est ce que les anciens Grecs auraient appelé un adepte de Dionysos. Dans les pays nordiques, il était l’Homme vert. Son nom anglais est Robin Hood. La « capuche » (hood en anglais) n’a guère de rapport avec la capuche qui permettait au hors-la-loi de se travestir. C’est plutôt une abréviation rappelant son affinité avec les bois, wood. Dans de nombreuses églises, on trouve sculptés dans la pierre ou le bois des « hommes verts », cachés entre saints et anges. Il est l’esprit d’insubordination, sauvage, difficile à maîtriser – ses feuilles et ses rinceaux poussent partout sans limitation. Parmi les saints affadis par leur fidélité apollinienne à la forme, il y a toujours un « homme vert », le souvenir d’une autre face de l’humanité : sauvage et tournée vers la nature et par là-même vers l’inspiration, la joie et la folie.

Il est très important que des figures comme l’Homme vert ou Robin des Bois nous sauvent lorsque forme, ordre et droit deviennent surpuissants, étouffants et pour finir fallacieux. Verdoyantes, sauvages et indomptées, elles jaillissent comme une force qui combat l’abus de pouvoir. Elles se cachent sous la forme d’un courant de culture souterrain, alternatif, difficilement saisissable et localisable. Toutefois, quand ces forces se manifestent trop puissamment, elles se transforment en une simple culture marginale de fumeurs de drogue et d’êtres sans initiative. Dans la culture anglaise actuelle, c’est un phénomène largement répandu, qui peut même s’exprimer dans la célèbre excentricité anglaise. Mais notre Robin est un maître du tir à l’arc et peut se lier à ses buts. C’est pourquoi ses forces s’engagent pour le bien, la justice sociale et soutiennent la prise de responsabilité personnelle des êtres humains, appelés à se soucier d’autrui.

C’est la raison pour laquelle cette légende me paraît avoir présentement pour nous une importance vitale. La légende de Robin des Bois est sans doute la plus puissante de toutes les légendes anglaises après celle du Roi Arthur. Elle nous raconte que lorsque de faux rois revendiquent le pouvoir et en font mauvais usage, il y a dans le peuple un esprit caché qui explose et se révolte contre cet abus de pouvoir. Et ce qui est beau et nous attire en Robin des Bois, c’est qu’il n’est pas le héros d’une légende violente et sanglante – Robin jouit d’une sagesse pénétrante et d’une noblesse bienveillante qui font de lui un chef reconnu. C’est de chefs de cette nature dont nous avons maintenant un besoin urgent : nobles, bienveillants, amicaux et sages. Nous devons devenir nous-mêmes de tels chefs.

Finalement, le temps de Robin est revenu. Car Robin des Bois est l’Homme vert – et le langage et l’essence de l’Homme vert, c’est le langage et l’essence des forces de vie ou des forces formatrices que l’anthroposophie appelle monde éthérique. En ces temps où le droit, l’ordre, la forme et le mensonge menacent d’écraser la liberté, le dieu de l’Homme vert réapparaît et se manifeste parmi les hommes comme jamais auparavant.

Un Robin des Bois vit en nous, il est notre serviteur et doit être nourri de la bonne manière. Sa nourriture sont les sacrements, la rencontre avec son dieu – et sa mission est de servir le véritable roi.

Luke Barr est né en 1970 en Grande Bretagne. Il est aujourd'hui prêtre de la Communauté des Chrétiens à Hambourg, Allemagne.

%d blogueurs aiment cette page :