Un an après l’attaque de la Russie contre l’Ukraine et le début de la guerre, des êtres humains continuent à tomber. Quel est votre bilan de la situation ?

Friedrich Glasl : Où est la diplomatie ? C’est à devenir fou ! On ne pense qu’en termes de logique militaire. Je ne dénie absolument pas à l’Ukraine le droit de se défendre, mais j’en appelle aux alternatives qui existent. Il est inconcevable que le monde entier assiste à cette tuerie, à ce carnage sans rien faire. Beaucoup de pays sont concernés, ils sont impliqués dans ce conflit au-delà des questions éthiques et morales. Les hostilités ne se limitent pas à ce que montrent nos écrans, nous sommes tous concernés, tant sur le plan économique, social, et politique qu’écologique. Elles ont des répercussions sur le monde entier. C’est pourquoi il est si difficile de comprendre le rétrécissement du regard, le resserrement de l’horizon temporel. Nous suivons les informations pour savoir qui a remporté telle petite victoire militaire, l’avancée du Z ou la présence du drapeau bleu et jaune. C’est comme un film de guerre, à la différence qu’il ne s’agit pas d’une fiction, mais de la réalité.

Pourquoi ne parvient-on pas à entrer dans le jeu diplomatique ?

De nombreux pays sont impliqués, ils ont des relations avec l’un ou l’autre des belligérants et craignent de ne pas être pris au sérieux dans leur impartialité et leur neutralité. C’est le cas par exemple de l’Autriche, pays neutre au regard du droit international, mais qui s’est déclaré solidaire des sanctions de l’UE, avec pour effet qu’il a été éconduit lors des tentatives de dialogue. J’ai aussi vu des politiques craindre pour leur réputation après être une ou deux fois revenus de Moscou, Washington, Bruxelles ou Kiev les mains vides. Je me souviens des sarcasmes de la presse internationale à l’égard du chancelier autrichien Nehammer. Il s’est rendu à Moscou, il a rendu visite à Poutine dans sa datcha et il est revenu sans succès. Mais à l’époque, j’étais satisfait de son initiative, car il ne fallait rien laisser passer. Et maintenant ? Je pense que nous nous sommes habitués aux images, au fait que tout le monde mise sur des décisions militaires, qu’on continue à brandir la menace de ne pas enfoncer un coin dans l’alliance occidentale. Dès qu’un membre de l’UE agit de son propre chef, il s’expose au reproche de ne pas s’être concerté.

Concernant la responsabilité de la guerre, on évoque toujours les violations réciproques des contrats entre la Russie et l’Occident.

En effet ! On met souvent en doute qu’il y a eu promesse orale de ne pas autoriser l’élargissement de l’OTAN vers l’est sans l’accord de la Russie. Il existe suffisamment de témoignages selon lesquels il y a eu ces promesses orales, mais rien n’a été fixé par un traité. Je le tiens aussi des milieux diplomatiques. C’est ce qui a mis fin à la guerre froide. Les camps, les perceptions de l’ennemi se sont dissipés, il y a même eu des coopérations entre pays. Pensons par exemple au Partenariat pour la paix et à tous les traités comme Ciel ouvert ou le Mémorandum de Budapest de 1994, par lequel les anciens pays satellites de l’Union soviétique donnent à Moscou le droit de disposer des armes nucléaires, en échange de garanties de sécurité de la part de la Russie et de l’Occident. L’escalade a commencé dès 1991, quand l’Ukraine s’est opposée au leadership de Moscou lors de la dissolution de l’Union soviétique. L’Ukraine n’était pas non plus membre du Comecon, le Conseil d’assistance économique mutuelle. Elle n’y était qu’associée. Elle cherchait la souveraineté et se rapprochait de l’Ouest.

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