Cet article fait partie d'une série d'entretiens consacrés aux qualités féminines, afin de mieux les faire connaître et de réfléchir à la manière dont elles peuvent contribuer à répondre aux exigences de la situation mondiale actuelle.

Bienvenue, Rachel ! Tu t'es lancée dans une expérience sociale très particulière. Raconte-nous !

À environ quinze minutes de Hawthorne Valley, là où je vis, se trouve Hudson, ville que le Département de l'Agriculture des États-Unis (USDA) a qualifiée de « désert alimentaire ». Malgré ses quelque six mille habitants issus de milieux plus ou moins aisés, la ville n'a pas d'épicerie. Il y a six ans, j'ai contribué à la création d'une petite boutique bio nommée Rolling Grocer1. Notre mission est d'offrir à chacun, quel que soit son revenu, des aliments de qualité abordables. Pour ce faire, nous avons mis au point un système de prix à trois niveaux : pour chaque article de nos rayons, nous fixons trois prix différents grâce à un calculateur de « salaire minimum vital ». L’Institut de technologie du Massachusetts (MIT) le fournit pour chaque comté des États-Unis, avec des données sur les revenus. Les clients choisissent ensuite le prix qu'ils souhaitent payer en fonction du nombre de personnes composant leur foyer et de leurs revenus.

Rolling Grocer n'est pas seulement une sympathique idée entrepreneuriale que vous testez : vous avez identifié dans la communauté un besoin plus large et le magasin a répondu à ce besoin, n'est-ce pas ?

Les habitants sont issus des communautés afro-américaine, bangladaise, latino-américaine, jamaïcaine et anglo-saxonne. C'est un véritable melting-pot, un autre monde à seulement quinze minutes de chez nous ! Lorsque je travaillais avec des élèves d'une école publique d'Hudson, j'ai réalisé que certains d'entre eux n'avaient jamais vu de vache ! Et pourtant, ma ferme en a beaucoup, à quinze minutes de chez eux, vraiment ! Je trouvais cela injuste. Je voulais les sortir de la ville et les emmener à la ferme. J'ai donc créé un camp d'été où les enfants pouvaient cuisiner, s'occuper des animaux, les observer, passer du temps avec eux, nager dans l'étang ou simplement prendre plaisir à jardiner. C'est là que j'ai réalisé pour la première fois qu'il n'y avait même pas d'épicerie digne de ce nom à Hudson. La ville attire énormément de touristes, d'artistes, de restaurateurs et toutes sortes de personnes dont beaucoup restent pour y vivre et y travailler, et, pourtant, il n'y a aucun endroit où faire ses courses. J'ai passé toute ma vie dans notre ferme, à quinze minutes, et je ne me suis jamais vraiment impliquée dans la vie d'Hudson. Je n'en avais jamais vraiment pris conscience.

Rolling Grocer est, en quelque sorte, un projet de recherche-action né de l'initiative de Steffen, mon mari, et de moi-même, au nom de notre Institut pour une agriculture consciente (Institute for Mindful Agriculture). Nous nous sommes demandé s'il était possible de fournir des aliments sains et complets, et de donner à tous l'opportunité de vivre un esprit communautaire. Les inégalités de revenus sont l'un de nos plus grands défis mondiaux. Pourrions-nous faire ne serait-ce qu'un petit pas pour développer une conscience les uns des autres ? L'alimentation et l'agriculture pourraient devenir un levier décisif pour le changement social. J'ai donc lancé le projet grâce à une subvention. Lorsque la boutique a rouvert après la crise du coronavirus, j'ai endossé deux rôles : j’étais gérante du magasin et cheffe de projet. Je me suis maintenant retirée et j'ai embauché une gérante.

Photo: Colleen Trainor

Il y a plusieurs années, tu as aussi fondé, avec Steffen, le magasin de la ferme de Hawthorne Valley. En quoi Rolling Grocer est-il différent ?

La particularité de Rolling Grocer est qu'il est véritablement orienté vers le bien commun. Toutes nos décisions, jusqu’à la conception du magasin, sont prises non seulement pour vendre plus de produits et gagner de l'argent, mais aussi pour encourager les clients à se rencontrer et à créer une communauté. Les prix dont j'ai parlé en sont un aspect. Les gens prennent conscience que certains ont plus, d'autres moins, et ils contribuent en fonction de leurs besoins. Ils savent qu'ils font partie d'un groupe de clients plus large et d'une communauté.

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