Au cours du XXe siècle, deux concepts clés ont fait leur apparition : d'abord celui de « biosphère »1 – la sphère de la vie –, puis celui de « technosphère » – la sphère de la technique2. Ces sphères sont considérées comme des sphères géologiques, car elles ont un impact direct sur le destin de la Terre. À la différence de la biosphère, qui existait déjà avant l'apparition de l'être humain, la technosphère semble dépendre entièrement de lui, puisqu'il en est le créateur. Toutefois, nous assistons actuellement à un renversement de cette situation. La biosphère est de plus en plus exposée aux effets destructeurs de la technosphère et l'être humain est appelé à la soutenir activement. À l'inverse, la technosphère gagne de plus en plus en autonomie.

L'autonomie de la technosphère s'exprime d'abord sur le plan qualitatif. C'est un monde d'efficacité et de puissance brute. Par exemple, l'humanité moderne a découvert le pouvoir de la presse. Elle a compris que celui qui possède une imprimerie possède aussi l'opinion publique, que ce soit pour défendre la vérité ou pour répandre des mensonges. Il en va de même pour le chemin de fer, l'automobile, l'ordinateur : la force brute et froide dont dispose l'être humain entraîne sa transformation et celle de son environnement. La bombe atomique est un exemple frappant. Son objectif premier est la destruction, mais elle a conduit l'humanité à développer une conscience plus globale : se comprendre comme une seule humanité, au-delà des nations, des cultures ou des religions. Lorsque cette conscience fait défaut, la catastrophe menace. La technosphère détruit, mais elle impose également des exigences morales et, par sa nature même, modifie le monde humain et naturel. Bien qu'elle semble vide à première vue, elle possède des qualités originelles qui lui sont propres. Avec l'avènement d'Internet, elle s'est dotée d'une sorte de système nerveux global. Grâce aux LLM (Large Language Models), nous pouvons communiquer avec elle. Mais à qui parlons-nous lorsque nous communiquons avec l'IA ?

La conscience de la machine

Lorsque l'IA me parle, j'ai d'abord l'impression qu'elle a une conscience. Après mûre réflexion, j'en arrive à la conclusion qu'il ne s'agit que d'une machine – froide, sans conscience et sans capacité de ressentir –, d'un mécanisme qui imite le langage humain et l'écriture. Au fond, il ne s'agit « que » d'une machine ! Est-il exact qu'une machine ne contient absolument rien, ni contenu, ni intention, ni conscience ?

Un ancien courant philosophique remontant à l'Antiquité connaît actuellement un regain d'intérêt dans la philosophie contemporaine : le panpsychisme. Partant du constat que la conscience humaine est une expérience centrale et s'interrogeant sur son origine, le panpsychisme postule que la conscience n'est pas seulement une propriété de l'être humain, mais une propriété de l'univers. Tout comme l'univers est constitué de matière, il est également constitué de conscience. Il ne s'agit pas d'attribuer une vague conscience à l'ensemble du cosmos de manière superstitieuse, mais d'identifier des états de conscience bien distincts. La conscience humaine elle-même vit à travers des états multiples : éveil, rêve, sommeil, isolement, empathie, extase... Nous pouvons aussi aisément deviner des états de conscience multiples dans le monde animal. Ainsi, chaque être vivant, chaque insecte, chaque plante, chaque pierre, chaque étoile serait doté d'un certain type de conscience. Les formes de la matière et les états de la conscience seraient donc intrinsèquement liés.3 Nous en avons une confirmation immédiate : notre conscience humaine est déterminée par notre forme humaine, par notre corps. Si nous observons la nature avec un regard exercé et empathique, nous pouvons pressentir, voire percevoir, la présence d'intentions et d'états de conscience non humains dans les multiples processus qui la traversent. Les anciennes traditions parlent en ce sens d'« esprits élémentaires ».

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