Nous aimons la lumière : « il fait soleil ! », « il fait beau temps ! ». L’arrivée de la lumière, que ce soit le matin ou au printemps, nous remplit de joie et de gratitude. Nous avons besoin d’elle : pour lire dans l’obscurité, pour nous remonter le moral dans les moments difficiles. Elle est indispensable à la vie : sans le miracle accompli par le monde végétal, qui produit la matière à partir de l’air et de la lumière, nous n’existerions pas. L’histoire des arts visuels chante ses louanges : Rembrandt, les impressionnistes, William Turner, Ólafur Elíasson, James Turrel... La physique quantique, qui détermine aujourd’hui notre conception de la matière, a vu le jour il y a cent ans, précisément pour découvrir les composantes de la matière à partir de la lumière. À la même époque, Rudolf Steiner écrivait dans son autobiographie : « Je me suis dit que la lumière n’est pas perçue par les sens ; ce sont les "couleurs" qui sont perçues par la lumière, qui se révèle partout dans la perception des couleurs, mais qui n’est pas elle-même perçue par les sens. La lumière "blanche" n’est pas de la lumière, mais déjà une couleur. Ainsi, la lumière est devenue pour moi une entité réelle dans le monde sensoriel, mais qui elle-même est extrasensorielle.1 » Autrement dit, lorsque nous faisons l’expérience de la lumière, nous ne la percevons pas avec nos sens. La lumière est une entité présente dans le monde des sens, mais qui elle-même est suprasensible2. Elle compte ainsi parmi les expériences les plus importantes et les plus mystérieuses que nous puissions faire.

Premières réflexions

Comment percer ce mystère ? Dans la préface de son Traité des couleurs, Goethe demande si, lorsqu’on parle des couleurs, il ne faut pas avant tout mentionner la lumière, même si beaucoup de choses très diverses ont déjà été dites à son sujet. Il estime toutefois qu’en réalité, nous nous efforçons en vain d’exprimer l’essence d’une chose ; nous percevons des effets, et une histoire complète de ces effets engloberait sans doute l’essence de cette chose3. Goethe ne s’est donc pas exprimé directement sur ce qu’est la lumière en soi. Il a plutôt emprunté une voie phénoménologique, fondée sur la manifestation des couleurs, pour aboutir à une caractérisation de la lumière qui dépasse la somme de leurs manifestations. Nous reprendrons cette approche, mais sans mettre l’accent sur les couleurs. Nous nous concentrerons plutôt sur le phénomène qui consiste à « arriver à l’apparition », c’est-à-dire à la manifestation, en suivant une approche spirituelle du monde.

1. La réalité terrestre est une maya qui mérite d’être abordée comme un livre que l’on peut lire, en s’appuyant sur deux axiomes : les manifestations sensorielles ne reposent pas sur une matière représentée par des atomes et l’intérieur de la nature s’exprime à l’intérieur de l’être humain.

2. De là découle – même si nous semblons alors prendre les choses à l’envers – le fait que la réalité terrestre se déroule à l’intérieur de l’être humain. Notre Je est le lieu où le monde se déroule, où il peut prendre conscience et parvenir à la connaissance de soi. « Dehors » nous apparaît un monde matériel, dont le contenu peut se révéler à l’intérieur de nous comme une coexistence d’êtres spirituels.

3. Pour aller jusqu’au bout de ce renversement de perspective, nous dirons que le monde physique, en tant que phénomène sensoriel, est l’émanation extrême d’un espace intérieur du monde, ou, en termes anthroposophiques classiques, d’un monde spirituel. Cet espace intérieur du monde est composé exclusivement d’êtres spirituels4. Notre réalité terrestre est l’image de ce monde intérieur spirituel. Tout ce qui se manifeste de manière sensible trouve son origine (sa patrie) dans cet espace intérieur du monde.

La lumière dans l’espace intérieur du monde

Seule une fraction de notre monde intérieur individuel, psychique et spirituel apparaît à la surface ; de même, seule une fraction de cet espace intérieur spirituel est perceptible par les sens, et cette fraction est l’aspect physique du monde. « Perceptible par les sens » signifie que quelque chose peut se manifester à, au moins, l’un de nos douze sens.

Une autre partie de l’espace intérieur du monde entre, certes, dans la réalité terrestre, mais n’est pas perceptible par les sens, même si elle y est présente et active (éthérique du monde). Enfin, il existe des éléments qui, sur le plan psychique et spirituel, appartiennent toujours à l’espace intérieur du monde (astral du monde), mais qui ne sont ni perceptibles par les sens, ni présents et actifs dans le monde sensible.

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