Les organismes, les écosystèmes et même les mouvements sociaux évoluent. Le mouvement écologiste d’aujourd’hui n’est pas le même que celui qui prévalait au moment où Rudolf Steiner a donné son Cours aux agriculteurs, ni à celui où est sorti le livre de Rachel Carson Printemps silencieux. Il a même changé depuis les débuts de l’agriculture solidaire. Durant près d’un siècle, l’anthroposophie et les initiatives qui lui sont liées ont contribué à son développement, et on peut s’attendre à ce qu’elles continuent à le faire au cours du siècle qui s’ouvre devant nous. Je n’aurai pas l’audace de prédire l’impact de l’anthroposophie sur le mouvement écologiste de demain, je me contenterai simplement d’exprimer quelques espoirs qui reflètent mon point de vue de sympathisant du mouvement anthroposophique. Au cours des deux dernières décennies, l’alchimie de l’anthroposophie a réorienté ma perception de ce que signifie être un écologiste et a fait de moi un militant moins dogmatique. J’espère que d’autres écologistes connaîtront à l’avenir des expériences similaires et que les courants dogmatiques et partiaux perdront ainsi de leur force au sein du mouvement.

Dan McKanan, Eco-Alchemy : Anthroposophy and the History and Future of Environmentalism, University of California Press, 2017.

À mes yeux, l’anthroposophie a produit quatre « cadeaux » essentiels qui ont le potentiel de remédier au déséquilibre auquel le mouvement écologiste est actuellement confronté. Ces cadeaux sont : un « holisme cosmique » qui nous oblige à prêter attention aux relations circulaires toujours plus grandes entre les choses, un « modèle homéopathique de changement social » qui nous encourage à exercer une influence thérapeutique sur le monde par des interventions quasiment imperceptibles, un « anthropocentrisme approprié » qui nous permet de nous sentir pleinement chez nous dans ce monde et, enfin, la vision d’une « transformation planétaire » qui résiste au changement climatique tout en incluant la possibilité d’un développement biologique et spirituel. La perspective du « holisme cosmique » élargit le regard sur les questions environnementales, et s’oppose ainsi à la tendance à réduire le mouvement écologiste à un seul thème : le changement climatique. Elle prévient une focalisation malsaine sur des stratégies partielles isolées. À une époque où les mesures de protection de l’environnement sont souvent jugées en fonction de leur taille, l’« homéopathie » nous rappelle que, dans un écosystème sain, les petits organismes n’ont rien à envier aux grands en termes d’importance. Un « anthropocentrisme approprié » nous évite de réagir à la destruction de l’environnement par la haine de l’humain. Avec l’idée de « transformation planétaire », on peut conserver l’idéal de préservation de la nature et de « ne pas laisser de traces », sans pour autant s'endurcir dans une résistance acharnée contre le progrès. À mon sens, il est important de considérer ces cadeaux comme des contrepoids équilibrants : pris isolément, ils peuvent avoir un effet aussi unilatéral que les tendances qu’ils contrecarrent.

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