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Répondre aux besoins de l’enfant d’aujourd’hui

Dans le monde d’aujourd’hui où toutes les valeurs évoluent, se transforment, où les certitudes ancestrales s’effondrent, où la plupart des paradigmes doivent être repensés, où globalisation et individualisation s’entrechoquent, où enfin, réformes et conservatismes se regardent en chiens de faïence, il est difficile d’avoir les idées claires, de poser les pieds sur un sol ferme, de jeter, enfin, un regard serein sur notre société et sur ce qui la portera dans l’avenir.


Oui, quel sera le monde de demain? Comment préparer les hommes de demain, c’est-à-dire nos enfants d’aujourd’hui, aux réalités que nous sommes tous, à ce jour, incapables d’anticiper, voire même d’imaginer. L’humanité succombera-t-elle à la technologie triomphante qui, jour après jour avance ses pions dans tous les domaines de la vie des adultes et celui, bien sûr, des enfants, ou au contraire sera-t-elle capable d’en déjouer les pièges? Voilà une question qui, en ce début du XXIe siècle, doit nous interpeller sérieusement.

Ce que nous ressentons, en tout cas, nous en sommes tous conscients, c’est que les enfants ne pourront jamais se passer des adultes. Qu’ils en ont un besoin existentiel pour grandir, s’affirmer, s’insérer dans la société, dans le monde. Le petit homme, nous en sommes tous convaincus, ne peut naître que de l’Homme. Jamais les écrans, aussi élaborés, ludiques, interactifs soient-ils, ne remplaceront l’être humain dans sa réalité pleine, à savoir physique, psychique et, j’ose le terme, spirituelle.

Ce que nous constatons également, c’est que jamais l’Enfance n’a été aussi menacée, voire maltraitée qu’aujourd’hui. Non pas les enfants, que tout un chacun choie le mieux qu’il peut, mais l’Enfance en tant que telle. C’est à dire dans tout ce qu’elle a de spécifique, d’original, d’étonnant. L’Enfance, c’est cet état de confiance absolue, naturelle envers le monde et les êtres qui le peuplent, c’est cet élan de curiosité enthousiaste vers et pour tout, cette envie insatiable de créer, de jouer, d’entreprendre mais aussi de rêver, d’imaginer, d’aimer.

Photo : Louis Blythe

L’enfance en danger

L’Enfance est en danger car ses valeurs spécifiques sont de moins en moins reconnues par la société. Les adultes, tout d’abord, ont la fâcheuse tendance, pour beaucoup, à troquer leur statut d’homme responsable pour celui de «grand enfant» ou d’«ado», et à contrario, à considérer les enfants comme des «petits adultes». Il se produit un phénomène d’inversion. On cherche à «rajeunir» les adultes et à «vieillir» les enfants. Quel paradoxe! Ce phénomène n’est pas étranger à la publicité qui quotidiennement en rajoute, influence les parents, le système scolaire, voire même l’université.

Tout doit aller plus vite aujourd’hui, même l’éducation. La société veut «normaliser» l’Enfance selon des critères prétendument scientifiques, précis, rigoureux, rationnels.

Tout un chacun cherche à accélérer les processus d’apprentissage ancestraux, à éveiller les enfants prématurément, à les «hisser» hors de leur cocon le plus vite possible. Tout doit aller plus vite aujourd’hui, même l’éducation. La société veut «normaliser» l’Enfance selon des critères prétendument scientifiques, précis, rigoureux, rationnels. À tel âge l’enfant doit savoir ceci ou cela, avoir acquis telle aptitude. Il doit, coûte que coûte, rentrer dans l’univers de l’enfant «moyen» idéal, être prêt à vivre une scolarité normative, compétitive, sélective, anxiogène, basée essentiellement sur des apprentissages cognitifs et intellectuels. Pour cela, il est contraint, dès les plus petites classes de la maternelle, aux exercices dits d’éveils et de concentration plus ou moins ludiques afin d’évaluer ses potentiels cognitifs.

Le chemin pédagogique proposé par la société pour acquérir le statut d’adulte est une sorte de course d’obstacles où seuls les plus rapides, les plus rompus à l’abstraction sont récompensés. Notes, classements, redoublements, contrôles, tests, examens le jalonnent. La finalité d’une telle aventure?

L’obtention du bac S avec mention Très Bien. Il ouvre l’espace à «l’honneur» d’accéder aux «Grandes Écoles», cerise sur le gâteau du système élitiste français.

Depuis des décennies les pédagogies dites «alternatives» tentent par divers moyens de redonner à l’enfant sa légitimité à savoir son «Enfance». Pour cela, elles favorisent des cadres de vie adaptés, une reconnaissance respectueuse de sa nature tant physique que psychologique, de son originalité intrinsèque, des rythmes de son évolution, afin de l’autoriser à vivre ce qu’il est, à rêver, à imaginer, à jouer, bref à vivre pleinement son enfance.

La pédagogie Steiner-Waldorf s’inscrit naturellement et résolument dans cette démarche. Depuis presque cent ans, elle travaille dans cette optique, consolide ses expériences, résiste aux divers chants de sirènes du modernisme et aux incessantes réformes scolaires. Avec énergie, elle crée des lieux pédagogiques libres à travers le monde entier. En France, une vingtaine d’écoles Steiner-Waldorf existent aujourd’hui. Toutes ont pour idéal le respect de l’enfant. Toutes sont au service de ses spécificités et de son unicité.

«Quel geste pédagogique faut-il impulser pour favoriser les savoirs?»

Commençons par une devinette. Cherchons ensemble ce qu’ont en commun les grandes personnalités suivantes, universellement connues, telles que Darwin, Einstein, Victor Hugo, Mozart, Théodore Monod, Gandhi, Soeur Thérésa, Nietzsche, Chaplin. Leurs spécificités sont, il est vrai, fort différentes mais quelque chose, cependant, les réunit. Avez-vous une idée?

Susciter l’enthousiasme

Ce qui rassemble ces personnalités, c’est avant tout l’enthousiasme qu’elles ont eu tout au long de leur existence. Oui, un enthousiasme entier, absolu pour leurs recherches, leurs arts ou missions envers lesquels elles se sont données, offertes même. Oui, un enthousiasme sans concession. Un enthousiasme recréé quotidiennement, une ardeur jamais éteinte, une volonté jamais satisfaite.

 Albert Einstein, Victor Hugo, Albert Schweizer

Pensons à Théodore Monod qui à 98 ans entreprend, l’oeil vif, la jambe alerte, une énième traversée du Sahara! À Beethoven, qui sourd, au seuil de sa mort, compose la 9e symphonie, à Albert Schweizer opérant en Afrique, à Lambarénée, jusqu’à ses dernières forces, à Van Gogh, qui en Arles, peint jusqu’à ce que le soleil ardent de la Provence consume son âme. Quelles passions, quels enthousiasmes relient ces hommes, quels feux les animent!

Cherchons maintenant ce qui les différencie. Essentiellement leurs investigations, recherches, pratiques, domaines ou arts. Victor Hugo s’est adonné à la littérature, Darwin à l’observation de la nature, Einstein aux énigmes de l’univers et aux mathématiques, Chaplin au cinéma et au mime, Mozart à la musique.

Par quelle alchimie, quel mystère, ces choix se sont-ils faits? Par un lien, une relation particulière, intime même, que ces grands Hommes ont su développer avec le monde. Cette relation forme une osmose, un tout, une unicité entre eux et l’objet de leur recherche ou celui de leur pratique. Cette fusion entre l’être et l’objet est ce que nous pouvons appeler intelligence. L’intelligence est cette faculté à même de lier un sujet (la personne) à un phénomène ou objet, à un degré tel qu’il en saisit l’essence, la loi, la nature intrinsèque, tout en étant capable de la relier à son environnement.

Étymologiquement le terme intelligence (en latin: intelligencia) associe les mots intel et ligen, ce qui veut dire discerner ou choisir entre.

Des intelligences multiples

Longtemps a t-on cru à une intelligence unique, à savoir celle qui appréhende rationnellement les phénomènes observables, puis les conceptualise en lois: intelligence quantifiable portée aux nues par le fameux QI (quotient intellectuel). Cette conception a volé en éclats suite aux travaux du psychologue américain Howard Gardner qui a décelé plusieurs types d’intelligence à l’instar des grecs anciens qui, eux, en discernaient quatre dans le terme «amour».

Howard Gardner distingue huit types d’intelligence. Enumérons les:

1° L’intelligence logico-mathématique
2° L’intelligence linguistique
3° L’intelligence visuelle et spatiale
4° L’intelligence musicale
5° L’intelligence naturaliste
6° L’intelligence corporelle
7° L’intelligence intrapersonnelle
8° L’intelligence interpersonnelle

Toutes ces intelligences, diverses et variées, révèlent la complexité de la nature humaine, sa richesse aussi. Elles nous montrent qu’il est nécessaire de les connaître, de les approfondir et surtout d’en tenir véritablement compte, en tant qu’éducateur, dans son approche pédagogique. Permettre à chaque élève de cultiver sa «propre» forme d’intelligence, me semble être un idéal propre à enthousiasmer tout pédagogue convaincu.

 Charles Darwin, Mère Teresa, Ludwig van Beethoven

Ces considérations nous ramènent à la vision que tout pédagogue se doit de cultiver la nature profonde de l’être humain et bien sûr quant à celle de l’enfant, son origine, sa finalité, le sens de son existence.

Aujourd’hui deux visions pédagogiques opposées appréhendent l’enfant.

Des conceptions pédagogiques opposées

La première est celle appelée «tabula rasa». Elle considère l’enfant à sa naissance comme une table rase, c’est à dire que l’enfant est issu de l’hérédité d’une part, formaté par son environnement culturel d’autre part. Cela sous-entend que l’enfant dépend uniquement de ce que la société lui propose sur la base de ce qu’il a reçu par l’hérédité. Cela signifie qu’il ne prend pas part, en tant qu’individualité, à son développement, qu’il en est la conséquence. Cette vision matérialiste, très répandue aujourd’hui, implique l’application de la pédagogie dite du «potier». Celui-ci pétrit l’argile, en effet, et lui impose les formes qu’il a lui-même déterminées. Le pédagogue adepte de cette conception se limite donc à éduquer ses élèves selon des critères interdisciplinaires établis préalablement par la société et ses hautes instances et à appliquer à la lettre le programme imposé par l’Éducation Nationale. Il se contente de l’appliquer au mieux et d’évaluer le niveau des acquisitions scolaires de ses élèves par des tests et des examens qui jugeront ses aptitudes selon des critères essentiellement basés sur l’intelligence dite «logico-mathématique» ou sur celle dite «linguistique».

La réalité montre que seule une partie des élèves d’une classe se lie avec facilité à ces deux types d’intelligence, disons 35% environ. D’autres (50%) vivent plus difficilement ce conditionnement, voire certains (les décrocheurs) le rejettent totalement. Ces derniers représentent 15% d’une classe, il faut en être conscients.

 Vincent Van Gogh, Charlie Chaplin, Mahatma Gandhi

La deuxième conception est celle qui considère l’enfant comme un être doté dès la naissance d’une individualité propre à lui-même, c’est à dire d’un Moi, d’un Moi vivant antérieur à la naissance et même
à la conception. Cette conception spirituelle de l’enfant et de l’Être humain induit la pédagogie dite du «jardinier». Elle consiste à accompagner le développement de l’enfant dans une attitude de respect, d’émerveillement et de liberté, à observer sa croissance, à déceler en elle le germe qui petit à petit se révèle, se déploie, affirme sa personnalité, son unicité, tel le jardinier qui soigne et nourrit les plantes dans le respect de ce qu’elles sont.

Les écoles Steiner-Waldorf souscrivent entièrement à cette manière de faire. C’en est même le fondement: permettre l’éclosion d’un Moi individuel et libre chez chaque élève, voilà bien leur finalité, leur idéal.

Comme cité précédemment, l’enthousiasme, bien plus que la contrainte, est l’élément moteur de tout apprentissage. Son absence provoque l’ennui et la passivité, sa présence crée la curiosité et l’intérêt.

L’enthousiasme est synonyme de vitalité, d’élan, d’émerveillement, de courage, de force, il est bien le fondement de tout apprentissage.

André Stern, dans son livre «Je ne suis pas allé à l’école», décrit avec talent la magie de l’enthousiasme. Grâce à lui, dit-il, j’ai appris à lire en quelques jours, à jouer de plusieurs instruments, à étudier plusieurs langues étrangères, à devenir luthier, conférencier, auteur, entrepreneur, par moi-même, par la seule vertu qu’apporte l’enthousiasme.

Photo : Mats-Ola Ohlsson

L’enthousiasme trouve son origine dans la petite enfance. À cet âge, il est roi. Un enfant s’émerveille et s’enthousiasme plusieurs fois par minute. C’est extraordinaire. Tout le surprend, l’intéresse, l’interroge, le ravit. Le clapotis de l’eau, la feuille de l’arbre qui virevolte, le caillou blanc, un insecte qui passe, le son du klaxon… Un phénomène en appelle un autre et voilà l’enfant mis en mouvement. Tout en lui vit, participe, découvre, ressent, observe, le pousse à agir, c’est à dire à jouer, à imaginer, à créer, à manifester ce qui veut grandir en lui, à savoir son Moi.

L’enthousiasme, précise André Stern, provoque une sécrétion glandulaire qui vient irriguer le cerveau afin de le stimuler, à la manière d’un compost qui active la croissance des plantes. Plus un enfant joue, plus on le laisse vivre son enthousiasme à travers ses jeux, plus son cerveau se développe, se structure, se bonifie!

Permettre l’éclosion d’un moi individuel et libre chez chaque élève voila bien la finalité, l’idéal des écoles Steiner-Waldorf

L’enfant apprend très vite. Pensons à l’acquisition de la marche, du langage, de la pensée. Comment en est-il capable? Par son aptitude à s’immerger entièrement, corps, âme et esprit, avec élan dans les expériences qu’il entreprend et qu’il répète inlassablement jusqu’à l’ acquisition de chacun. Oui, tout son être s’y engage, avec enthousiasme et intelligence. Oui intelligence car l’enfant ne naît pas sot, bien au contraire. Certes, son intelligence initiale n’est pas logico-mathématique, rationnelle, mais plutôt celle à même de comprendre de l’intérieur les lois de la pesanteur, par exemple, lorsqu’il apprend à marcher, à en saisir toutes leurs réalités par le vécu, l’expérience. A travers cette intelligence initiale, il sait mettre en relation causes et effets, juger, comprendre, agir avec une intelligence qui, pour reprendre l’exemple ci-dessus, a une dimension «corporelle», puis une dimension «musicale» pour l’apprentissage du langage. Chaque acquisition a son intelligence propre, particulière. Pour s’en convaincre, il suffit de l’observer jouer, construire, dessiner, chantonner, parler. Quelle mobilité cognitive, quelle vivacité d’esprit!

La pédagogie Steiner-Waldorf se donne pour finalité d’aider chaque enfant à trouver ce qui en lui s’apprête à grandir, qui fera de lui une personne unique, à savoir son Moi. Pour cela elle est pratiquée dans des établissements scolaires qui rassemblent en leur sein les enfants de trois à dix-huit ans! Elle intègre et place côte à côte dans un même lieu les élèves de la maternelle, ceux du primaire, ceux du collège et enfin ceux du lycée. Ceci afin d’offrir à l’enfant une continuité pédagogique cohérente jusqu’à l’aube de sa maturité. Dans ce contexte elle met en place des pédagogies adaptées aux tranches d’âge précitées. Plutôt permissive et libre chez les petits, directive et basée sur les arts et l’artisanat dans le primaire et le collège et enfin interactive au niveau du lycée avec les adolescents. Par cela elle semble contradictoire. Cependant, elle cherche à répondre au mieux aux besoins spécifiques de l’enfant et surtout à s’adapter à son évolution, à tenir compte des métamorphoses qui tous les sept ans éveillent en lui des facultés nouvelles. Le petit enfant a besoin d’espace de liberté pour s’épanouir pleinement dans ses jeux, l’élève du primaire d’exemples à suivre, d’une certaine directivité aussi, pour acquérir les apprentissages manuels, artistiques et cognitifs qu’exigent son âge, les adolescents quant à eux recevront un enseignement encourageant l’échange, le dialogue afin de stimuler leurs pensées, jugements et ressentis.

De même elle propose un plan scolaire riche et diversifié. Celui-ci inclut et met sur le même niveau les savoirs cognitifs, les activités artistiques et sportives, les activités artisanales ou manuelles. Toutes sont pleinement reconnues pour ce qu’elles sont et pour ce qu’elles apportent. Elles ne sont pas mises en concurrence et ne sont pas hiérarchisées. Toutes sont des manifestations d’intelligences différentes.

Toutes sont complémentaires. Il n’y a donc pas de filière dite «noble» dans les écoles Steiner-Waldorf, de voie royale. En aucun cas l’intelligence logico-mathématique ou littéraire ne sera privilégiée aux dépends d’une autre. Chacune a sa place.

Ces intelligences sont donc cultivées de front, au quotidien pendant les douze années que dure la scolarité. Les élèves découvrent ainsi une palette de matières extrêmement diversifiées. Cette palette les autorise à faire leur choix en toute liberté, en fonction de leurs ressentis et aptitudes qui petit à petit se révèlent à eux. Pour l’un ce sera la danse, pour l’autre la littérature, pour un troisième les sciences du vivant.

Permettre à chaque élève de déterminer librement et individuellement sa relation avec le monde, l’aider aussi à construire l’indispensable pont qui l’autorisera à accueillir le monde mais aussi à s’y engager avec élan et enthousiasme, tels les grands personnages précités, voilà bien le souhait intime et profond de tout pédagogue ou parent.

La culture de l’enthousiasme exclut le stress, la peur, l’anxiété. Afin de créer un climat serein, confiant, apaisé, la pédagogie Steiner-Waldorf rejette toute évaluation pénalisante: pas de notes, de classement, de redoublement et surtout d’examens sanctionnants. Conseils, encouragements, stimulations, voire soutiens individuels s’y substituent. En fin d’année scolaire un bulletin rédigé par les enseignants fait état des progrès de l’élève, de son engagement, des difficultés qu’il a pu rencontrer aussi. Ces dernières ne sont pas sanctionnées. Elles révèlent une problématique à laquelle il est nécessaire de s’atteler, parents, élève et professeurs confondus.

Photo : Sophie Milchberg

Encore un mot sur l’enthousiasme. Pour s’enflammer il a besoin d’un champ d’expérimentation, de vécus intenses, de répétitions et surtout de temps, de durée. Il n’aime pas le saucissonnage des cours, d’une rythmicité trop espacée. À cela la pédagogie Steiner-Waldorf répond par un enseignement par périodes, à raison de deux heures par jour pendant trois à quatre semaines ininterrompues une même matière est enseignée. Cela veut dire qu’il est offert à une matière de se dévoiler, d’être perçue, travaillée, expérimentée pendant toute cette durée. Cela laisse le temps à l’enthousiasme de s’enflammer … L’originalité de cet enseignement stimule aussi le professeur. Lui aussi a le temps de s’investir dans la matière, de la travailler afin d’apporter la matière la mieux adaptée à ses élèves, de la pénétrer de vie, bref de leur transmettre aussi son enthousiasme.

En aucun cas l’intelligence logico-mathématique ou littéraire ne sera privilégiée aux dépends d’une autre. Chacune a sa place.

Pour clore cet apport, il me faut réaffirmer, au risque de me répéter, combien les enfants, dès leur plus jeune âge, sont doués d’intelligences. Sans elles, ils seraient incapables  d’apprendre si vite. Ces intelligences ne sont pas intellectuelles, elles n’affleurent pas encore à sa conscience. Elles agissent en lui sans qu’il le sache, un peu comme ce bon monsieur Jourdain qui parlait en prose sans le savoir… L’origine de toutes ces intelligences qui parcourent l’enfant, c’est la vie elle-même et avec elle l’enthousiasme qui l’anime où qu’elle soit.

Le métier de pédagogue consiste essentiellement à accompagner les enfants dans leurs découvertes successives. A veiller, aussi et surtout, à ne pas les exclure de la vie, car c’est elle, soyons-en conscients, la véritable pédagogue. Oui, cette vie pénétrée de sagesse qui partout, autour de nous et en nous, manifeste sa beauté, sa vigueur, ses forces régénératrices et bien sûr son enthousiasme perpétuel et si communicatif est, affirmons-le encore une fois, la véritable pédagogue.


Source : Conférence effectuée lors du Colloque « Pédagogies différentes » ( 24-25-26 avril 2015 ) à l’Université de Haute-Alsace, Campus la Fonderie, Mulhouse. D’abord paru dans 1.2.3.SOLEIL, Revue de l’APAPS, n°28

Photos : Wikimedia commons; Photos en-tête: MI PHAM

Durant 38 ans, Guy Chaudon a été professeur de classe à l'école Matthias Grünewald de Colmar qui pratique la pédagogie Steiner-Waldorf depuis 1978. Il est aujourd’hui Président de la Fédération des écoles Steiner-Waldorf.

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