Marc Henry est chimiste, enseignant-chercheur à l’Université de Strasbourg, et travaille sur la « chimie des systèmes complexes » dans une université intégrant de la biologie, de la chimie, de la physique, des sciences mathématiques, de la théologie. Ils étudient comment la matière s’auto-organise pour créer des formes et des structures. En tant que scientifique prenant la défense de l’homéopathie, nous avons voulu le rencontrer pour qu’il nous explique ses recherches. Rappelons ici que, comme pour tous les articles publiés par ÆTHER, les points de vue exposés dans cette contribution ne sont pas considérés comme des « vérités absolues » mais simplement comme une proposition de réflexion. C’est au lecteur de se former son jugement individuel.
Louis Defèche : Vous travaillez sur l’auto-organisation de la matière, pouvez-vous nous expliquer ce que ça signifie ?
Marc Henry : Il faut d’abord savoir qu’un système n’est jamais isolé de son environnement : il y a toujours un flux d’énergie qui le traverse. Quand je parle d’énergie, je parle de joules, c’est à dire d’une énergie mesurable. Par exemple, le vortex est une structure-type d’auto-organisation. Il apparaît quand un flux énergétique risque de casser la structure d’un système. Pour éviter le dislocation du système, toutes les parties se mettent à coopérer d’après une forme universelle qu’on appelle le « vortex ». Le tourbillon est là pour évacuer cette énergie et garder les parties intactes. On peut bien comprendre pourquoi Rudolf Steiner aimait les vortex : c’est l’exemple type d’auto-organisation.
Pour la plupart des scientifiques, c’est le « hasard » qui, sur de grandes échelles de temps, crée les formes et les structures. Mais en 1930, il y a eu une révolution scientifique avec la naissance de la « physique quantique ». Toute la physique du 19e siècle séparait le sujet et l’objet. La mécanique quantique nous apprend qu’on ne peut pas être à l’extérieur du système. Elle nous apprend que : « je suis le système ». À partir du moment où l’on ne peut pas faire de séparation nette entre l’observateur et le système, on doit mettre en place un formalisme mathématique qui prenne en compte cette contrainte. Les pères fondateurs sont tous arrivés à la même conclusion : il y a une chose qui est irréductible à la mesure, c’est la conscience. Si l’on ne fait pas de mesure, l’univers n’existe pas. C’est parce que vous interagissez avec l’univers en faisant des mesures – ou en étant simplement là – que les choses existent. Si vous n’observez pas, toutes les possibilités restent ouvertes. Il n’y a plus de déterminisme. Dès qu’on l’observe, le monde prend des formes.
Ce point de vue oriente vers une autre façon d’expliquer l’émergence des systèmes complexes : il y aurait d’abord une conscience. La conscience serait à l’origine de tout.
Selon vous, la physique quantique a fait des découvertes qui n’ont pas encore été prises en considération dans les habitudes scientifiques ?
On ne devrait utiliser que la physique quantique, autant en chimie, en biologie qu’en physique, puisqu’on sait que c’est la science de la matière. Mais on se trouve dans cette situation absurde où l’on enseigne au départ aux étudiants la « dualité onde-corpuscule » de la physique quantique, et puis après on en revient au modèle « boules et bâtons » du 19e siècle. Les pères fondateurs de la physique quantique ont abattu les équations de Newton, les équations de Maxwell et découvert cette science non déterministe. Et, surtout, ils ont montré que la conscience précède la matière, mais c’est ce que tout le monde refuse. Quand je dis « tout le monde », je veux dire le monde matérialiste qui croit que la matière est une réalité indépendante de nous et que des forces du chaos l’organisent. Une caractéristique de la conscience, c’est qu’elle ne peut se définir qu’en se référant à elle-même. Cette auto-référence est problématique en mathématiques. Qu’est-ce que la conscience ? C’est un problème qui taraude l’humanité depuis qu’elle existe.
Pouvez-vous nous raconter comment vous en êtes venu à vous intéresser particulièrement à l’eau ?
Quand j’ai démarré dans la science, j’ai eu la chance d’avoir Jacques Livage comme directeur de thèse, qui est maintenant professeur au Collège de France et membre de l’Académie des sciences. Il a attiré mon attention sur un état qu’on ne connaissait pas bien : l’état « gel » ; quand un liquide ne coule pas parce qu’il est mélangé avec un solide. C’est ce qu’on appelle aussi les états « colloïdaux ». Ça a été mon sujet de thèse. Ces gels ont une propriété fantastique : avec quelques milligrammes de matière, vous pouvez structurer des litres d’eau. L’eau ne coule plus et devient solide comme de la glace, mais elle reste un liquide dans ses propriétés moléculaires. En découvrant ça, j’ai tout de suite fait le lien avec la biologie, car une cellule est exactement la même chose : 99 % d’eau avec quelques filaments organiques. Donc je me suis dis qu’il y avait quelque chose d’intéressant à étudier.
L’eau accueille toutes les espèces, quelles qu’elles soient. Même pour une espèce « hydrophobe », on s’aperçoit qu’il s’agit d’un « Je t’aime, moi non plus ». Les deux substances s’aiment, mais se séparent. Pourquoi elles s’aiment ? Parce que les énergies sont attractives. L’eau est attirée par toute substance quelle qu’elle soit. C’est le « Je t’aime ». Mais de temps en temps cette attraction génère une répulsion. C’est l’essence-même de la vie : quelque chose qui est lui-même et son contraire, un antagonisme. Ce phénomène est structurant, c’est là qu’apparaissent les formes. Chaque fois que vous voyez des formes, vous voyez une attraction qui génère une répulsion. La répulsion est importante parce que si seule l’attraction est présente, il en résulte un gros tas de matière informe. Si vous n’avez que de la répulsion, le système fait un gaz, il se dissipe et vous perdez toute forme. Mais si l’attraction est à peu près du même ordre de grandeur que la répulsion, alors apparaissent les formes, car le système ne peut échapper ni à l’attraction ni à la répulsion. Pour une cellule, cela donne une forme de cellule et pour un caillou cela donne une forme de caillou. On n’a pas besoin de faire intervenir un dieu, une religion, on n’a pas besoin d’un être surnaturel. Ces deux forces d’amour et de haine se rencontrent et créent les formes.
D’après la physique quantique, la matière ne se définit pas par sa masse, parce que, d’après la théorie d’Einstein, une masse est identique à une énergie. Par contre, on peut la définir la matière par quelque chose que Rudolf Steiner aurait aimé : c’est le « spin ». Les objets sont en rotation sur eux-mêmes et cette rotation est quantifiée. On parle de « spin entier » (lumière) ou de « spin demi-entier » (matière). C’est ce qu’on appelle les bosons et les fermions. Mais finalement, quand vous appliquez les lois de la physique quantique, la seule structure qui a une réalité, c’est le vide. Le vide est la seule chose que vous ne pouvez pas nier. Et vous avez des opérateurs, des fonctions mathématiques, qui sont là pour détruire la matière ou pour la créer : l’opérateur de création, l’opérateur d’annihilation et l’opérateur de comptabilisation. Avec ces trois opérateurs, on est à la base du monde réel. Je fais ici un rapprochement avec la Trimurti, ce terme hindouiste qui désigne trois dieux : Brahman (principe créateur), Shiva (principe destructeur), et Vishnu (principe conservateur). On trouve cela au cœur-même de la physique quantique.
Ça me rappelle encore d’autres images de la tradition européenne, comme les trois mères souterraines qui filent le destin…
Oui, mais ici cette connaissance ne vient pas des lectures des traités bouddhistes, hindouistes ou autres, elle vient de ce que les scientifiques ont découvert lorsqu’ils ont dissocié la matière en particules de plus en plus petites. Ils sont tombés sur l’atome et ils ont constaté que l’atome ne pouvait pas exister. Ils ont dû créer la physique quantique pour autoriser l’existence des atomes. Cette science est vraiment universelle. Elle fait émerger la conscience dans le champ scientifique et nous ramène finalement à cette réalité qui est la source de tout : le vide. Alors on apprend à aimer le vide. C’est quelque chose de très difficile d’aimer le vide : vous êtes dans cette pièce, vous enlevez l’armoire, vous enlevez la table, vous enlevez les chaises, pour vous retrouver avec les quatre murs. Et puis vous enlevez les murs, et vous enlevez les arbres, et là vous percevez cette musique. Vous ne tolérez aucune matière et vous parvenez, quand tout est vide, à l’état de conscience pure.
En physique quantique, le matérialisme est une absurdité, parce que la matière peut-être à tout moment créée ou détruite. Quand je dis « créer »: on sort une particule du vide. Quand je dis détruire : on voit une particule disparaître complètement. On sait que cette science est solide, puisque l’accélérateur du CERN à Genève nous démontre que c’est possible.
Et quel est le lien avec l’auto-organisation, l’eau, la cellule vivante ?
Le second principe de la physique quantique nous apprend qu’on ne peut pas détruire l’information. Toutes les cellules vivantes acquièrent de l’information et prennent des décisions : j’ai faim, j’ai soif, est-ce que je vais manger cet animal ou cette plante ? Ce sont des décisions que les êtres vivants prennent en fonction des informations qu’ils recueillent dans leur environnement. L’être vivant se nourrit d’information. Il peut manipuler cette information, mais il ne peut pas la détruire. Il peut faire deux choses : d’abord il peut créer une structure matérielle pour mémoriser l’information qui lui semble importante. On connaît par exemple cette belle structure qui s’appelle le cerveau. Le cerveau est là quand il y a de l’information importante qu’il faut mémoriser. Et puis, il y a toute l’information qu’on juge sans intérêt, un reste qu’il faut mettre quelque part. C’est justement le rôle du vide d’accueillir cette information dont personne ne veut. Toute ces informations sont dans le vide.
On peut faire des calculs en utilisant les constantes de la nature : la constante de Planck, la vitesse de la lumière, la constante de Boltzmann. On peut voir le vide comme constitué de petites cellules et calculer leur taille. On peut calculer jusqu’à 10 puissance 244 bits d’informations pour emmagasiner tout ce qui a existé et ce qui existera. Le big bang devient très logique, on crée toujours de l’espace, du temps, parce que nous créons toujours de l’information. Il faut que le vide augmente pour accueillir cette information, puisqu’on ne peut pas la détruire. On voit comment apparaît cette flèche du temps avec le Big Bang, qui sinon reste un mystère.
Il y aurait alors une mémoire du cosmos ?
Le vide est la mémoire universelle. On rejoint le concept hindouiste des mémoires akashiques. Il y a 4000 ans ont été écrits des textes où l’on trouve le concept de mémoire akashique. C’est pour cela que dans ces civilisations orientales, les gens sont très prudents, parce que comme tout est écrit ou mémorisé, on y a accès. Si vous faites quelque chose dont vous n’êtes pas fier, vous ne le traînerez pas seulement durant votre vie, mais durant l’éternité.
À moins que vous arriviez à le transformer !
Par la mort on repasse dans le vide et on accède à nouveau à toutes ces informations. Nous n’y avons pas accès en tant qu’êtres humains, mais une fois qu’on est mort, on y a accès en tant que conscience pure. Et là évidemment, en fonction de ce qu’on a vécu dans la vie, on peut réorganiser cette information. Cela s’appelle le karma, la roue de la réincarnation. Cette information existe : c’est la mémoire de l’univers.
La question de la mémoire dans l’organisme humain est aussi une grande énigme.
Oui bien sûr, on met cela dans une toute petite partie du cerveau qui s’appelle l’hippocampe. Il y a des expériences dont on ne parle pas trop, car elle vont coûter cher en karma, notamment lorsque vous bousillez certaines zones du cerveau d’un animal pour voir ce qui se passe. On a fait ça aussi avec des êtres humains, cela s’appelait le nazisme. Si vous détruisez l’hippocampe, la mémoire est très altérée. Mais cela détruit seulement votre mémoire dans votre « conscience du je ». Et c’est là qu’intervient ma théorie : les mémoires corporelles ne sont pas stockées dans le cerveau, mais dans les membranes des cellules. Quand vous avez une membrane, vous avez de l’eau sur cette membrane et c’est cette eau qui est porteuse de la mémoire de tout ce qu’on vit, depuis qu’on est né jusqu’à notre mort.
Et comment pouvez-vous dire que l’eau est porteuse d’informations ?
Du point de vue quantique, il y a de la matière et de la lumière. Ce sont les deux entités que personne ne peut nier. On va simplement les marier, on va marier la matière et la lumière. On pense que la lumière traverse la matière, mais dans la réalité, les deux se mélangent. Comment ? Le ciment, c’est le vide. C’est lui qui crée de la lumière, des photons, et c’est lui qui permet de détruire la lumière en réabsorbant les photons. Nous avons là une interaction que l’on connaît très bien. C’est par des échanges de photons que vous obtenez les téléphones portables, les mémoires d’ordinateur, les tablettes… Tout cela, c’est des échanges de photons.
À l’intérieur d’une molécule d’eau, il y a du vide. La molécule d’eau va chercher les photons dans le vide pour s’exciter. Une fois qu’elle est excitée, on a une incertitude quantique qui apparait. On a une durée pendant laquelle vous pouvez sortir de l’énergie du vide. C’est comme l’histoire de Cendrillon : elle n’a pas de robe, elle n’a pas de carrosse et elle veut aller au bal. Alors la magicienne dit : « Voilà, tu as une robe, tu as un carrosse, tu as des chevaux, tu as des laquais ! » et tout cela sort du vide, mais pour un temps déterminé. Cendrillon va au bal, mais quand viennent les douze coups de minuit tout redevient comme avant. C’est exactement ce qu’il se passe entre l’eau et le vide : le vide est un grand banquier généreux, mais à minuit, on doit lui rendre tout. Heureusement, il y a un mécanisme que n’avait pas prévu le vide. Il attend et dès que les douze coups de minuit sonnent, il va voir la molécule d’eau. Il est oblige de reprendre ce qu’il a prêté, car sinon il viole le premier principe de la thermodynamique. Il reprend donc ses photons, le carrosse redevient citrouille, les laquais redeviennent souris…
Mais ce que le vide n’avait pas prévu, c’est qu’il peut y avoir une deuxième molécule d’eau à côté. La première molécule d’eau transfère les photons sur la deuxième. Quand le vide vient réclamer sa dette, comme ce n’est plus la même molécule qui a emprunté ces photons, le compteur est remis à zéro. La deuxième molécule a de nouveau un laps de temps qui est le même que pour la première. Les durées sont très brèves, mais comme il y a ce jeu de passes, comme au rugby, toutes ces durées s’accumulent, ce qui fait que le photon qui est sorti du vide a une durée de vie très longue, parce qu’il y a en fait ce jeu d’échanges. La seule chose qu’il peut faire, c’est d’être toujours en échange, car s’il s’arrêtait, le vide serait là pour le récupérer. C’est ce qu’on appelle un « domaine de cohérence ». C’est-comme si un certain nombre de molécules d’eau s’excitaient en jouant au rugby. C’est parfaitement invisible car c’est interne. Ce que nous donne la physique quantique, ce sont des équations.
Tout cela est donc basé sur des équations ?
Oui, c’est théorique, comme toujours en science. Vous ne pouvez rien démontrer avec l’expérience : vous faites des expériences pour avoir des données et ensuite vous créez des modèles et vous montrez que ces modèles peuvent vous permettre d’expliquer les expériences. Donc là, on est dans l’étape de création d’un modèle, où l’on explique comment une mémoire peut exister.
Mais un modèle doit être ensuite mis à l’épreuve de l’expérimentation ?
Oui et justement ce ne sont pas les preuves qui manquent ! Il y a par exemple l’effet Casimir statique ou dynamique, le déplacement de Lamb et plein d’autres choses encore. Le modèle est meme si efficace qu’il permet d’expliquer l’homéopathie…
Alors l’espace où il y a le photon qui se balade, c’est en fait une sorte de structure ?
Plutôt que de parler de « structure », je préfère parler de « musique ». Pourquoi ? Parce que tout ça, c’est du temporel. Du point de vue spatial c’est le bazar. Ce sont des fréquences. Mais on a des équations qui nous permettent de donner des ordres de grandeur pour les longueurs d’onde des photons qui sont échangées et la taille du domaine où les photons sont emprisonnés. Ce sont des équations : si quelqu’un veut vérifier les calculs, les équations sont publiées.
Cela a été publié dans des revues ?
Dans des revues en open access où chacun peut télécharger l’article et refaire les calculs. Il y a peu de chances que je me sois trompé, parce que j’ai repris des précédents calculs faits en 1995, où il y avait des erreurs. J’ai trouvé quasiment les mêmes chiffres et j’ai refait un papier en 2012 corrigeant les coquilles du précédent. Il y a peut-être encore des coquilles, mais de toutes façons on trouvera toujours les mêmes résultats.
On sait maintenant que ce domaine de cohérence existe, on sait que cela fait 10 millions de molécules d’eau et ces 10 millions de molécules d’eau sont un petit carré de 100 nanomètres par 100 nanomètres sur un nanomètre d’épaisseur. C’est très petit, c’est ce qu’on appelle de la nanotechnologie. Les nano, c’est 10-9. Quand vous les élevez au carré, cela fait 10-18 et si vous avez un cube, cela fait 10-27. On arrive très vite a des quantités de mémoire fantastiques en terme de bits. Imaginez un damier de 100 nanomètres par 100 nanomètre, et vous mettez des 0 et des 1 à la place des cases noires et blanches. Au cinéma, une grille de pixels va faire apparaître l’image. Votre vie, c’est pareil. Tout ce que vous avez autour de vous, ce sont des tableaux de pixels. Le médicament homéopathique est aussi un tableau de pixels.
Faites-vous un lien entre votre compréhension du vivant avec des concepts comme celui des champs morphogénétiques de Rupert Sheldrake ?
Bien sûr, car vous avez votre structure corporelle de chair et de sang, mais vous êtes entouré par un vide autour de chaque atome. Toute matière est imprégnée de vide. Si le vide n’est pas vide, que vous avez de connexion permanente avec ce champ d’information et qu’on a une structure pour mémoriser de l’information, vous voyez bien le parallèle qu’on peut faire avec l’idée des champs morphogénétiques qu’a développée Rupert Sheldrake. Lui n’a pas utilisé le cadre de la physique quantique ou de la mémoire de l’eau pour l’expliquer, mais peu importe.
Et avec la notion d’éthérique chez Rudolf Steiner ?
C’est l’objet de mes prochains papiers. Chez Rudolf Steiner, il y a le corps physique, mais qui n’a aucune forme. En fait, si l’on veut donner une forme à la matière, il faut avoir ce qu’on appelle un corps éthérique. Et quand on a ce corps éthérique, on a une structure. C’est comme le champ morphogénétique de Rupert Sheldrake. Ce champs nous entoure, puisqu’on est entouré de vide. La matière, qui n’a pas de forme, se nourrit de ce champ éthérique pour adopter des formes. Ce champ d’information que Rudolf Steiner a appelé le champ éthérique, on est en train de le découvrir. Les idées de Rudolf Steiner s’inscrivent dans une science en progression qui met l’eau au centre de la problématique.
Est-ce que ça ne touche pas à la philosophie aussi ?
Quand vous savez que le vide existe : comment dialoguer avec lui ? On peut utiliser l’eau, mais cela agit sur l’inconscient. Comment peut-on en conscience parler avec son vide ? Il faut d’abord avoir la conscience que le vide est réel. Et comme c’est vide, c’est invisible. Donc vous n’avez pas à chercher vers l’extérieur par vos sens. Vous allez au contraire fermer les yeux, fermer les oreilles, fermer votre nez, fermer votre bouche pour entrer à l’intérieur de vous. Par la méditation, vous pouvez entrer en vous : vous fermez vos sens et vous êtes obligé d’aller vers l’intérieur, alors vous rencontrez le vide en pleine conscience. La méditation est l’un des outils pour court-circuiter le mécanisme des membranes d’eau qui constituent ce qu’on appelle l’inconscient. Rudolf Steiner a probablement été capable de rentrer ainsi en lui, comme tous les initiés : ils savent qu’il faut aller chercher la connaissance à l’intérieur et non pas à l’extérieur.
Il existe beaucoup de combats politiques aujourd’hui, mais souvent on ne pense pas à la nécessité de renouveler aussi notre façon de comprendre la matière et le vivant.
Beaucoup défendent un matérialisme qui est plus une religion qu’une démarche scientifique. Il y a une fascination pour la matière : toute la société occidentale est ancrée dans le matérialisme. On croit que c’est en acquérant des richesses et en ayant des comptes en banque, en consommant toujours plus qu’on va être heureux. Mais c’est faux. Au 19e siècle, la science a transformé la société. Maintenant, il est temps que ce soit l’inverse. Aujourd’hui, il faut que ce soit la société qui transforme la science. C’est le juste retour du balancier. On a vécu dans un monde matérialiste depuis Galilée : cela va faire plus de 400 ans qu’on baigne là-dedans. Il faut revenir vers la non-matière, vers l’invisible et il va y avoir un mouvement de balancier inverse qui va peut-être nous ramener à des positions qu’on a connues dans l’Antiquité dans de grandes traditions philosophiques, où la matière n’existait pas, où tout était esprit. C’est dans ce va-et-vient que la science se développe.
On peut avoir peur de retomber dans les religions et les superstitions du Moyen-Âge. Mais j’imagine que vous ne prônez pas un retour au moyen-âge !
Au Moyen-Âge, ils n’avaient pas tous les acquis scientifiques. Nous retrouvons un spiritualisme, mais avec un bagage matérialiste énorme qui produit un autre type de spiritualisme, de philosophie. Il faut voir ça comme une spirale : la conscience qui ne fait qu’évoluer, on ne repassera jamais par les états du Moyen Âge.
Mais il y a des phénomènes New Age qui ont tendance à la superstitions et aux croyances. Rudolf Steiner, en développant l’anthroposophie, cherchait au contraire à développer un approche basée sur l’expérience et la méthode phénoménologique.
Oui, c’est là qu’on voit que Rudolf Steiner était un homme qui avait une grande conscience, son discours est une preuve de conscience. Il y a toujours eu des gens qui étaient à la fois dans leur époque, en chair et en os, mais qui dans leur conscience étaient capables de se projeter 500 ou 600 ans plus tard. C’est très inconfortable parce que vous vivez dans cette époque avec une tête qui est 600 ans plus tard. Et donc vous n’êtes pas compris et ça peut même générer des drames… Je pense que Rudolf Steiner était un initié comme l’était Goethe et d’autres.
Mais dans la population aujourd’hui, on constate de plus en plus une conscience pour la vie, une conscience pour le vivant…
On est à l’aube d’une grande révolution et comme toutes les révolutions, il y aura une période de chaos. Dans la nature, quand Shiva fait son boulot, c’est le chaos. Mais à un moment donné, il y a Brahma qui revient et qui recrée. Car Brahma utilise le chaos de Shiva pour recréer du nouveau. Pour s’adapter à ce nouveau monde, il faut déjà avoir un petit peu lâché l’ancien. C’est tout le défi.
Illustrations : Sofia Lismont
Marc Henry est enseignant-chercheur et professeur à l'université de Strasbourg où il enseigne la chimie, la science des matériaux et la physique quantique (UMR 7140). Directeur du Laboratoire de chimie moléculaire de l’état solide à Strasbourg, Marc Henry s'est intéressé à l'eau durant toute sa carrière.
Vous devez être connecté pour poster un commentaire.