Qui dit « anthroposophie » pense à Rudolf Steiner, et qui dit « Rudolf Steiner » pense à l’anthroposophie. Les raisons en sont évidentes : sans la vie et le travail de Rudolf Steiner, il n’y aurait pas de pédagogie Waldorf, par exemple, et donc pas de raison de célébrer le 100e anniversaire de la première école Waldorf à Stuttgart.

Il n’y aurait pas non plus les autres célébrations anthroposophiques qui sont sur le point d’avoir lieu jusqu’en 2025 : centenaire de la mort de Steiner, mais aussi hommage à la médecine anthroposophique, à l’église libre de la Communauté des chrétiens et à l’agriculture biodynamique, qui auront également 100 ans.

Ne pas mépriser ou vénérer, mais comprendre

Peu importe l’engagement de Rudolf Steiner pour toutes ces impulsions, peu importe que ces initiatives se réfèrent encore à Steiner aujourd’hui, il est urgent que l’un ne soit plus réduit à l’autre. Parce que Steiner n’était pas seulement un anthroposophe, et l’anthroposophie est tout sauf un culte de Steiner.

Si l’œuvre de Rudolf Steiner est constituée par le cours de sa vie, la transformation philosophique-théosophique-anthroposophique de Steiner : de Goethe au « Goetheanum », de « philosophe de la liberté » à « réformateur social », ne peut être résumée sous le seul terme « anthroposophie ». Ceux qui ne méprisent ni ne vénèrent le « plus grand philosophe oral du 20e siècle », comme l’a qualifié Peter Sloterdijk, mais veulent le comprendre, doivent d’abord prendre au sérieux cette structure tripartite de sa biographie.

L’anthroposophie ne commence ni ne se termine avec Steiner

Il ne faut pas oublier non plus qu’en aucun cas l’anthroposophie ne commence ni ne se termine avec Rudolf Steiner. Dans la forme sous laquelle Steiner la reprend, il s’agit d’un héritage du classicisme de Weimar et de l’idéalisme allemand, déjà repris avant Steiner, par exemple, par le fils de Johann Gottlieb Fichte, Immanuel Hermann Fichte. Comme Steiner, il s’intéressait essentiellement à comprendre la connaissance du monde et la connaissance de soi comme les deux faces d’un même visage, que chaque individu, en tant qu’esprit libre, ne peut atteindre qu’individuellement.

Les philosophes Christian Clement et Eckart Förster ont récemment fourni deux exemples remarquables qui soulignent l’indépendance de Steiner et de l’anthroposophie. Clement publie une édition critique des écrits de Rudolf Steiner, aujourd’hui en 12 volumes, qui rend un hommage impressionnant aux transformations et aux continuités de la biographie intellectuelle de Steiner.

Dans son étude remarquée, The 25 Years of Philosophy, Eckart Förster a montré en détail que l’idéalisme allemand, indépendamment de Steiner, s’est développé vers une science de l’esprit empirique au sens anthroposophique.

Rudolf Steiner comme personnalité dans l’histoire des idées

Le fait que Rudolf Steiner et l’anthroposophie soient sans cesse mis dans le même panier est dû à l’alliance involontaire des disciples de Steiner et de ses opposants, qui le vénèrent ou le diabolisent comme le seul et unique véritable anthroposophe. Ils présupposent simplement la valeur ou au contraire l’absurdité des écoles Waldorf, de l’entreprise Weleda, etc. sans même s’intéresser aux autres opinions.

Cette guerre de religion, dont personne ne pourra sortir vainqueur, détourne l’attention du fait qu’il est grand temps d’engager une réflexion critique sur Rudolf Steiner comme personnalité de l’histoire des idées et d’aborder l’anthroposophie comme l’un des facteurs culturels de notre époque. Celui qui refuse cet examen critique refuse aussi que l’anthroposophie traverse ses propres « Lumières ».


Article original du 12.07.2019 sur Deustchlandfunk Kultur :

Mehr als Anthroposophie - Die vielen Welten des Rudolf Steiner
Die einen verteufeln ihn, nicht nur wegen seiner Rassenlehre. Die anderen vergöttern ihn: Rudolf Steiner. Er begründete die Anthroposophie. Doch wer ihn darauf reduziert, der wird dem einflussreichen Universalgelehrten nicht gerecht.