« Je ne peux pas respirer ! » s’est écrié George Floyd. Il était allongé sans défense, les mains attachées dans le dos, le visage pressé contre l’asphalte brut, sale. « Je ne peux pas respirer ! » gémit-il. Mais aucun des trois policiers qui se tenaient à ses côtés ne voulait l’aider. Ils se sont contentés de regarder leur collègue presser ses genoux de tout son poids sur le cou de George Floyd – pendant 8 minutes et 45 secondes, jusqu’à ce qu’il perde conscience.

« Je ne peux pas respirer ! » s’écrient de plus en plus de gens dans les rues et sur les places dans le monde entier. Beaucoup se mettent à genoux. Ils veulent rendre un dernier hommage à George Floyd, ils veulent demander pardon pour l’acte d’un meurtrier en uniforme sans pitié – et ils veulent rappeler les droits de chaque être humain, qu’il soit pauvre ou riche, jeune ou vieux, noir ou blanc. Un crime raciste a provoqué un soulèvement mondial contre la discrimination et pour la vie et la dignité des êtres humains.

« Je ne peux pas respirer ! » est maintenant la devise d’un mouvement mondial. Les gens n’arrivent pas comprendre qu’ils doivent rester à distance les uns des autres pendant des mois pour protéger leurs semblables d’une mort prématurée, pour ensuite voir des représentants de l’État tuer une personne dans la rue sans raison, sur un coup de tête. Mais au-delà de tout cela, nous prenons de plus en plus conscience de l’importance de la menace actuelle pour notre respiration. La pandémie du coronavirus affecte en effet également la respiration. Le virus, qui est inhalé sous forme d’aérosol ou de fines gouttelettes dans l’air que nous respirons, attaque principalement les poumons humains et peut entraîner la mort par suffocation. Pour être traité, cette maladie requiert des équipements de respiration artificielle.

« Je ne peux pas respirer ! » est donc aussi l’expérience de ceux qui traversent la grave épidémie de COVID-19. « Je ne peux pas respirer ! », c’est ce que peuvent dire, dans une moindre mesure, tous ceux qui sont enfermés chez eux, qui ne peuvent pas se rendre au travail, qui doivent retenir leur souffle ou porter un masque respiratoire. Car la crise du coronavirus touche l’ensemble de la société.

« Je ne peux pas respirer ! » est un cri que nous ne sommes pas les seuls à vouloir faire entendre. C’est aussi le cri de la Terre qui, depuis trop longtemps, nous appelle de plus en plus fort, à mesure que le climat se réchauffe, que la glace des glaciers et des pôles fond, que les déserts s’étendent et que le thermomètre, tout comme le niveau de l’eau, s’élèvent. Enfin, c’est aussi le cri d’innombrables espèces animales dont nous détruisons l’habitat et les ressources alimentaires.

« Je ne peux pas respirer ! », c’est le cri d’innombrables personnes dans le monde entier qui vivent dans une pauvreté oppressante, qui n’ont pas de travail et aucune chance d’en avoir un, ou de ceux qui ont réussi, ont un emploi mais subissent de plus en plus de pression jusqu’à ce qu’elles soient complètement épuisées.

Ainsi, le souffle devient aspiration et exigence de survie d’une humanité menacée. Menacée par l’étroitesse de ses propres pensées, de ses actes et de leurs conséquences. L’air n’a pas de couleur, pas de religion, pas de nation. Nous respirons tous le même air. Nous voulons et devons donc apprendre à respirer ensemble – et non pas à voler le souffle de l’autre !


Image : Gabe Pierce (modifée)

Initialement paru dans Das Goetheanum, 17 juin 2020. Traduction : Jonas Lismont